France
Avec deux films en compétition, une poignée d'autres disséminés dans les sélections parallèles et deux membres du jury originaires du continent, l'Afrique n'a jamais été aussi présente à Cannes. Une "émulation artistique" portée par une nouvelle génération de cinéastes.
Une deuxième Palme d'or pour ce continent habituellement sous-représenté à Cannes et dans les autres festivals de 7e art ? "La concurrence est très, très rude", dit à l'AFP la benjamine de la compétition, Ramata-Toulaye Sy, sans se risquer à davantage de commentaires.
Née en France - où elle a grandi - de parents Sénégalais, elle a livré à Cannes un premier long-métrage empreint de lyrisme sur l'émancipation d'une femme peule.
L'autre réalisatrice du continent en lice pour la Palme est la Tunisienne Kaouther Ben Hania, révélée au grand public grâce à son thriller sur une victime d'un viol : "La belle et la meute", présenté à Cannes en 2017.
Toutes deux peuvent succéder à l'Algérien Mohammed Lakhdar-Hamina, Palme d'or en 1975 avec "Chronique des années de braise". Il est à ce jour le seul cinéaste africain à avoir reçu la distinction suprême sur la Croisette.
Sénégal, Tunisie, Maroc, Algérie, Cameroun, Soudan... Les films en provenance d'Afrique sont en pleine lumière.
"On est face à l'arrivée d’une nouvelle génération, mieux formée et qui a des choses à dire", souligne auprès de l'AFP Kaouther Ben Hania. "Il y a une vraie émulation artistique", complète le Marocain Kamal Lazraq.
"Les meutes", son premier long-métrage qui suit la folle nuit au cours de laquelle un père et son fils tentent de se débarrasser du corps d'un homme, a été présenté en Sélection officielle, dans la catégorie Un certain regard.
L'année dernière, sa compatriote Maryam Touzani - membre du jury cette année - livrait un somptueux long-métrage sur le tabou de l'homosexualité dans le royaume chérifien. Un film qui avait été présenté dans la même section.
A la Quinzaine des cinéastes, une autre section parallèle du Festival, le film "Déserts" de Faouzi Bensaïdi, sorte de western contemplatif tourné dans le Rif, n'a laissé personne indifférent.
"Le Maroc fait depuis des années un vrai travail d'accompagnement de la production cinématographique", assure Kamal Lazraq. Même tonalité chez Ramata-Toulaye Sy, qui a loué l'accompagnement du gouvernement sénégalais concernant son film.
Pour d'autres, le soutien financier et logistique n'est pas toujours au rendez-vous, comme l'avait dit publiquement Kaouther Ben Hania en 2021.
Peut-on parler d'une percée du cinéma africain ? Non, rétorque à l'AFP le cinéaste malien (Carrosse d'or cette année) Souleymane Cissé. "Les films africains ont toujours existé mais n'ont jamais été mis en valeur", soutient-il.
"La production africaine est riche et variée, il est temps de s'y intéresser", poursuit-il, dénonçant le "mépris" des Occidentaux. "Ce sont aux distributeurs d'aller chercher les films africains", abonde Ramata-Toulaye Sy, qui enseigne le cinéma à Dakar. "Ils ont toujours été là, devant nous", assure-t-elle.
Tous les cinéastes sollicités par l'AFP disent partager la même ambition : faire des films ancrés en Afrique mais à "portée universelle".
Reste que le chemin est souvent semé d'embûches : "Dans notre région, la culture dérange", affirme le Soudanais Mohamed Kordofani, pour qui le tournage de son premier long-métrage "Goodbye Julia" (présenté en Sélection officielle) a été "très compliqué".
"Tourner dans un pays instable, où il y a des manifestations et des émeutes, n'est pas évident. On est vite rattrapé par la réalité de nos pays".
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